Nous avons envoyé notre auteur aux Puces de Munich muni d’une liste d‘achats d’objets-cultes. A-t-il réussi à dénicher quelque chose ? Et que nous dévoilent ces divers objets sur l’histoire culturelle de la ville ?
Je dois avouer que je n’avais jamais été aux puces jusque-là. Je pensais qu’on n‘y trouvait que des napperons de dentelle ou des animaux en peluche vendus par des « petits vieux ». D’où ma surprise de voir sur ma liste des tas de choses typiques pour Munich :
Ce serait plus facile pour mon hamster d’apprendre le breakdance que pour moi de trouver ces objets à un marché aux puces ! Ma copine a bien ri, mais pour une autre raison :
« lls ne te connaissent vraiment pas ».
« Pourquoi ? »
« Parce que tu ne rapportes jamais ce que je t’ai écrit sur la liste de courses ».
« C’est ce que nous allons voir ! » dis-je et me suis mis en marche.
Le marché aux puces de Daglfing est l’un des marchés aux puces les plus connus de Munich et il a lieu les vendredis de 8 à 15 heures et les samedis de 6 à 16 heures. Me voilà à 9 heures dans le métro S8 en direction de l’aéroport et je vois beaucoup de gens chargés de sacs et sacs-à-dos se dirigeant aussi vers le marché. À moins qu‘ils ne veuillent attraper un vol pour les Caraïbes. Difficile à dire. Mais à la station de Munich-Daglfing, tout un flot de personnes est descendu et s’est mis en marche vers l’hippodrome où se trouve le marché aux puces.
Les vendeurs ont déjà installé leurs tables de tapissier et y ont étalé toutes leurs marchandises : de la vieille vaisselle, des livres et beaucoup de rasoirs électriques. Et au milieu de tout cela des choses que je n’avais pas vues depuis vingt ans, comme une gameboy. Je saisis ce jouet de mon enfance et une sensation étrange de chaleur et d’insouciance m’envahit.
Ce marché commence alors à me plaire, même si tout n’y est pas beau, par exemple une peinture à l’huile représentant une culturiste ou une figurine en porcelaine rose d’un petit cochon à lunettes assis sur la tête d’un éléphant. Je découvris même un vieux rouet. Cela m’étonnerait que je m’asseye un jour dans ma chambre et me dise : « Vraiment, il manque un rouet ici ».
Pourtant, aujourd’hui où il n’y a plus guère de petites boutiques, mais un nombre grandissant de supermarchés soucieux de satisfaire les goûts de la masse, le marché aux puces est une vraie oasis. On peut y trouver des choses uniques pour se démarquer des aménagements IKEA.
Pourtant, aujourd’hui où il n’y a plus guère de petites boutiques, mais un nombre grandissant de supermarchés soucieux de satisfaire les goûts de la masse, le marché aux puces est une vraie oasis. On peut y trouver des choses uniques pour se démarquer des aménagements IKEA. Cela me plaît, même si je n’ai encore rien trouvé pour moi. Soudain, le coup de cœur : je découvre une chope du Hofbräuhaus à côté de ce petit animal bizarre de porcelaine !
Une notice jaune sur le verre annonce le prix de 2 euros. Dans le train, j’avais lu un article sur le marchandage dans les marchés aux puces. Première règle : ne montre jamais ton enthousiasme. Il faut commence par avoir l’air de s’intéresser à un autre objet, puis se renseigner incidemment sur ce que tu convoites. Aussi je prends le petit cochon de porcelaine et dis : « Ooooooh, il est vraiment merveilleux ce petit cochon de porcelaine ». Je parle comme un vendeur américain dans un téléshopping. « Je n’ai encore jamais vu un petit cochon de porcelaine aussi ravissant ».
Ma copine me pousserait du balcon si je ramenais cette bestiole aussi laide à la maison. Entre-temps tout le monde ici doit me trouver complètement cinglé.
« Combien coûte ce petit bijou ? », je demande au vendeur.
« 8 euros ».
« Hum » dis-je en tournant la figurine dans tous les sens. « Et pour la chope de bière ? » fais-je d’un air peu intéressé. Mesdames et Messieurs, l’Oscar de la meilleure scène jouée du « En réalité je ne veux pas de cette chope » est décerné à Maximilian Reich.
« 2 euros », répond le vendeur sans doute habitué à ce petit jeu.
« 1,50 euros ! » je réplique. Je suis un vrai dur !
« 2 euros et je vous donne en plus un sac pour mettre votre chope ».
« Super ! » je m’écrie.
Mais est-ce-que je viens bien de dire cela et de payer 50 centimes en plus pour ce petit sac en plastique ? Je ne suis peut-être pas aussi dur que ce que je pensais. Peu importe. Je contemple ma chope et son logo du Hofbräuhaus. En fait, je n’aime pas la bière. Mais elle aura malgré tout sa place d’honneur dans le placard de la cuisine comme un trophée authentique. Journaliste, j’ai parcouru le monde, mangé des hotdogs sur Times Square, dansé le tango à Buenos Aires, mais j’ai rarement vu des métropoles mariant le moderne à la tradition autant que Munich.
« Ooooooh, il est vraiment merveilleux ce petit cochon de porcelaine ». Je parle comme un vendeur américain dans un téléshopping. « Je n’ai encore jamais vu un petit cochon de porcelaine aussi ravissant ».
Ici, le banquier va dans une brasserie genre Hofbräuhaus après le travail et les lycéens enfilent une culotte de cuir après l’école pour aller à une fête populaire. À l’étranger, tout le monde connait Munich – et j’en suis fier – et cela aussi grâce au Hofbräuhaus, symbole de la bière bavaroise, l’une des meilleures au monde.
À côté, une vieille dame déballe des vêtements d’un carton et les accroche à une tringle. Peut-être que j’y trouverai un costume de lin ? Helmut Dietl en portait un bien souvent. C’est à ce célèbre réalisateur que Munich doit la série télévisée de Monaco Franze devenue célèbre bien en dehors des murs de la ville. Les réparties dudit « ewiger Stenz » (éternel bourreau des cœurs) sont devenues des classiques, comme, par exemple, « ein bisserl was geht immer » (encore un peu plus, ça marche toujours). Et personne d’autre que Dietl n’a si bien réussi à dépeindre la jet set de Munich dans les années 80 comme il le fit dans son autre série Kir Royal.
La dame remarque ma curiosité. « Elles devraient bien vous aller. Vous voulez les essayer ? ». Elle me tend des chaussures de marche. Je remercie mais « j’aurais plutôt besoin d’un costume de lin blanc ».- « Mon Dieu !, dit-elle avec un geste de regret, j’en ai un à la maison, mais il n’entrait plus dans mon carton. Je regrette ». Elle me regarde comme si elle avait écrasé mon chien. « Est-ce-que je peux vous proposer autre chose ? »
Je tire ma liste de ma poche de pantalon et la lui lis. « Hum, je n’ai rien de tout ça, mais allez voir là-bas dans le bâtiment ». Elle me montre du doigt un hall où des vendeurs ont loué des stands pour étaler leurs antiquités. Là je trouve un carton de déménagement plein de vieux disques. « En avez-vous un du Spider Murphy Gang ? ». « Oui, sans doute. Regarde toi-même ». À genoux, je fouille parmi ces 500 disques. Et j’en tire deux conclusions :
1. Le vendeur a apparemment une prédilection pour Heintje.
2. Rod Stewart avait autrefois la même coiffure que ma tante Ursula.
« C’était leur 4ème disque », m’explique mon voisin de transport. « Ils étaient alors au sommet », me dit-il en me félicitant de mon achat. Satisfait, je remets ce morceau d’histoire de la musique dans le sac.
« Mon disque » apparaît enfin, tout derrière. Évidemment… Heureux, je sors le disque du carton et, sans marchander, paie les 2 euros. Je le mets dans mon sac en plastique avec le verre et flâne encore un peu dans ce marché aux puces, sans plus rien trouver comme trésor. Dommage ! Mais, malgré tout, je suis content du résultat et contemple avec fierté mes trouvailles une fois dans le métro. Un monsieur d’âge moyen, assis en face de moi, me demande dans un dialecte bavarois : « Vous revenez des puces ? »
« Exact ».
« Je peux voir ? » et il montre le disque du doigt.
« Bien sûr ! »
Il dit alors : « Vous avez eu de la chance et vous avez même déniché le meilleur disque ». « Oui ? » Naturellement je connais le Spider Murphy Gang. Le titre « Skandal im Sperrbezirk » (Scandale dans la zone interdite) me plaît toujours depuis 35 ans, comme il plaisait déjà à ma mère. C’est peut-être la plus grande réussite de ce groupe de Munich de faire depuis 40 ans de la musique qui plaise à toutes les générations.
Chaque fois que ma mère écoute cette chanson, elle me raconte l’histoire du numéro de téléphone qui figure dans le texte et qui était celui de son oncle. Celui-ci avait dû le changer pour ne plus être constamment dérangé par les appels des fans. Et il avait dû y en avoir beaucoup. Car le groupe avait fini par remporter le premier prix avec cette chanson en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Par contre, le titre du disque « Tutti Frutti », je ne le connaissais pas encore.
« C’était leur 4ème disque », m’explique mon voisin de transport. « Ils étaient alors au sommet », me dit-il en me félicitant de mon achat. Satisfait, je remets ce morceau d’histoire de la musique dans le sac. Ma copine va en faire des yeux ronds ! Tu parles oui, je n’achète jamais ce qu’il faut ! Mon œil !